Petit coup de théâtre à l’Université de Lyon, où l’on apprend que l’indétrônable président Khaled Bouabdallah s’en va pour un poste de recteur. Ce départ intervient en pleine période électorale dans les universités, et certains ne seront peut-être pas mécontents de voir un siège se libérer…
À Lyon 1, une élection précipitée favorable aux sortants
Le scénario semblait pourtant simple : en décembre, les établissements votent les statuts de l’université-cible ; le décret de création paraît entre Noël et le Jour de l’an ; sur la base de ce décret prévoyant la disparition des universités Lyon 1 et Lyon 3, la ministre prend un arrêté prolongeant les mandats de leurs présidents jusqu’à cette disparition, évitant d’organiser des élections au printemps. Mais… c’était sans compter sur le jury Idex qui, rendant un avis mitigé en novembre, a mis un coup d’arrêt à tout le processus de fusion et repoussé les échéances de plusieurs mois. Exit, donc, la prolongation artificielle des mandats et rendez-vous devant les urnes, en février pour Lyon 1 et en avril pour Lyon 3.
C’est donc dans une certaine précipitation que se sont tenues, le 6 février dernier, des élections aux conseils centraux de l’université Lyon 1. Dans les collèges des enseignant⋅es-chercheur⋅ses, deux listes s’opposaient :
- « Tous ensemble vers l’université-cible », menée par Bruno Lina (PU-PH en virologie), intègre malgré son nom quelques opposant⋅es à l’Idex notoires et porte de timides critiques contre le projet d’université-cible tel qu’il a été conduit jusqu’ici ;
- « Ensemble pour l’université de demain », menée par l’actuel président Frédéric Fleury, défend son bilan et se propose d’en poursuivre la dynamique.
Nous avions relayé les deux professions de foi :
Les résultats du vote, annoncés le 10 février, ne donnent pas de gagnant au conseil d’administration :
- la liste de B. Lina remporte 7 sièges (2 dans le collège A, 4 dans le collège B, 1 BIATSS),
- celle de F. Fleury remporte 6 sièges (4 dans le collège A, 2 dans le collège B),
- trois autres listes de BIATSS remportent un siège : une liste CGT-FSU-Sud, une liste SNPTES, et « Agir pour l’université »,
- chez les étudiant⋅es, GAELIS (FAGE) remporte 3 sièges, GALIAE remporte 1 siège.
Les deux candidats à la présidence, au coude-à-coude, seront départagés par le vote des membres extérieur⋅es du CA, qui devrait être favorable au président sortant.
Mise à jour du 28 février : Dans une interview donnée aujourd’hui à NewsTank, F. Fleury promet un cataclysme s’il perd la présidence :
« Si je ne suis pas réélu, ce sera pour moi l’échec d’un projet et d’une mandature : je prendrai mes responsabilités, et (…) le projet global sera excessivement difficile à poursuivre, car cela nécessitera un temps d’adaptation pour une nouvelle équipe complètement incompatible avec le calendrier qui est devant nous. (…) Il n’y aura plus de projet Idex, Lyon aura alors définitivement perdu le projet d’établissement. »
Sans écarter, quand on le lui demande, l’hypothèse d’une candidature à la présidence de l’université-cible par la suite : à bon entendeur.
Mise à jour du 28 février (bis) : Dans un communiqué, l’UNI (syndicat étudiant de droite) revendique l’annulation des élections étudiantes par la Justice, suite à une irrégularité dans les bulletins. Un imprévu qui risque de peser lourd sur l’élection du président…
À Lyon 3, le savant numéro de jonglage de Comby
Le contexte est similaire à Lyon 3, où des élections devraient avoir lieu début avril. Sauf que… le président Jacques Comby refuse de les organiser. Il y a de quoi être frileux : arrivé au terme de son second mandat consécutif, il ne peut pas être candidat à sa succession. Il ne serait d’ailleurs pas du tout assuré d’une victoire, le projet de fusion faisant de plus en plus de mécontent⋅es dans l’université et en particulier dans sa puissante faculté de droit.
Le 14 février, cinq organisations syndicales (CGT, SNESUP, SNASUB, SGEN et Sud) interpellent le président dans une lettre ouverte :
« La tenue des élections des conseils centraux de notre université ne saurait être différée davantage. Nous souhaiterions avoir de votre part la confirmation que vous convoquerez bien les électeurs et électrices avant le vote des statuts, comme cela a été le cas pour les trois autres établissements qui participent au projet d’université cible. Cette question est d’importance, des syndicats ont d’ailleurs déjà interpellé le ministère à ce sujet. (…) »
De son côté, J. Comby affirme envisager plusieurs solutions assez effarantes :
- solliciter le ministère pour obtenir la prolongation de son mandat en vue de la fusion, même si aucun élément juridique ne permet aujourd’hui d’affirmer qu’elle se fera ;
- faire voter la fusion avant le lancement du processus électoral, pour rendre celui-ci inutile.
Heureusement pour lui, même s’il ne peut plus être élu à Lyon 3, un siège vient opportunément de se libérer…
Mise à jour du 28 février : Nous apprenons hier soir que le CA de Lyon 3 a été avancé au 24 mars pour permettre le vote des statuts de l’université-cible : c’est donc bien la deuxième solution ci-dessus qui a été retenue, dans un affligeant déni de démocratie : si une liste d’opposition est élue en avril, elle sera contrainte de voir Lyon 3 disparaître sous ses yeux…
Exfiltration-surprise pour Bouabdallah
Quelle ne fut pas en effet la surprise du milieu universitaire lyonnais le 4 février dernier, en apprenant par voie de presse (avant une officialisation le lendemain en conseil des ministres) la nomination de Khaled Bouabdallah, actuel président de la ComUE Université de Lyon, au poste de recteur délégué à l’enseignement supérieur de la région Occitanie ! Lui qui, quelques jours plus tôt, défendait encore dans une interview lunaire sur TL7 le projet d’université-cible où l’attendait un siège de président taillé sur-mesure…
Notre désormais ex-président assistera donc la rectrice de région Occitanie pour toutes les questions universitaires, et prendra ses quartiers à Montpellier — où son nom ne doit pas être inconnu, puisque les cahots de la fusion lyonnaise avait retardé en juillet dernier l’évaluation du projet d’I-SITE montpelliérain.
Alors, est-ce une « promotion » ou une exfiltration ? L’intéressé répond en toute humilité à La Tribune :
« Il s’agit d’une belle promotion. Au vu de mon implication dans les milieux de l’enseignement supérieur et de la recherche dans la région mais aussi en France, j’ai déjà eu plusieurs propositions. Que j’avais toutes refusées jusqu’ici. Aujourd’hui, le projet de fusion est suffisamment avancé. Il verra le jour en 2020. Ma présence n’est plus indispensable. »
Et d’ajouter dans Le Progrès : « vu mon expérience, ce n’était pas étonnant ».
En attendant l’élection d’un nouveau président à la ComUE (ce qui ne devrait pas arriver de sitôt, son conseil d’administration étant sur le point d’être annulé par la Justice) c’est Stéphane Martinot, ancien directeur de VetAgro et jusqu’ici directeur de cabinet de K. Bouabdallah, qui a été nommé administrateur provisoire. Il lui reviendra d’organiser une nouvelle élection dans un contexte institutionnel troublé pour la ComUE, instance de collaboration entre établissements qui tombe peu à peu en déshérence à force que ses pilotes confondent leur ambition personnelle et celle du site universitaire.
À noter, par ailleurs, que nous héritons aussi d’un « recteur délégué à l’ESRI » en la personne de Gabriele Fioni, cadre du CEA et, surprise ! déjà membre du comité d’orientation stratégique de la Fondation pour l’université de Lyon, qui rassemble des industriels autour de l’enseignement supérieur lyonnais. Coïncidence ?
Merci pour les précisions. Mais si vous avez des infos sur la situation à St-Etienne, les stéphanois en seront friands !
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À Saint-Étienne les élections ont déjà eu lieu l’hiver dernier (nous avions publié un article : https://idexitlyon.wordpress.com/2019/11/19/a-saint-etienne-election-presidentielle-entre-bon-sens-et-course-a-lidex/), donc la situation semble relativement stable actuellement. Mais si ça bouge, on relaiera évidemment les infos !
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